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Equipe de France

Aurélien SIMON (Kinésithérapeute de l’Équipe de France) : « La richesse de mon métier se base sur l’échange »

Derrière chaque performance se cache un travail d’équipe discret, mais essentiel. Au sein du collectif tricolore, Aurélien SIMON est un acteur clé de la préparation de nos athlètes, de leur récupération, et parfois de leur retour au plus haut niveau après une blessure. Notre kinésithérapeute de l’Equipe de France nous partage dans une interview, les défis qu’il rencontre au quotidien, et l’accompagnement sur-mesure qu’il propose à chaque sportif.

Peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours jusqu’à ton rôle actuel de kinésithérapeute pour la fédération ? Qu’est-ce qui t’a donné envie de te spécialiser dans le suivi des sportifs de haut niveau ?

Je m’appelle Aurélien SIMON, je suis diplômé en ostéopathie depuis 2013, et en masso-kinésithérapie depuis 2019. J’ai commencé la prise en charge des Sportifs de Haut Niveau en intégrant les Equipes de France de Judo à partir de 2017 en tant que stagiaire, puis ensuite en tant que titulaire. Parallèlement à cette activité, j’ai intégré pour la première fois la FFHM en 2021. Depuis deux ans bientôt, j’ai augmenté de manière considérable mes interventions avec cette fédération, pour laquelle je me suis pris de passion.

Le fait d’accompagner les sportifs dans leurs performances, et de les aider à atteindre leurs objectifs représente ma principale motivation. L’aspect humain, les relations créées avec le staff et ce rôle primordial que possède le kinésithérapeute au sein d’une équipe sportive, est également un point essentiel qui explique la passion que j’ai pour ce métier.

Le métier de kiné est souvent associé aux soins post-blessure, mais on imagine que c’est bien plus que ça. Quelle facette de ton métier est la moins connue du grand public ?

Le métier de kinésithérapeute possède énormément de facettes cachées du grand public. Il est vrai que nous sommes présents pour lutter contre la douleur des athlètes dans le cadre des différentes blessures liées à leur activité, le tout dans l’optimisation de leur performance. Parallèlement à ça, nous devons être présents pour la préparation des compétitions (avec ou sans douleur), avoir un œil alerte sur le sportif au cours de la compétition. En post-compétition, le kinésithérapeute doit être là pour faciliter la récupération du sportif à travers les massages, ou les mobilisations ostéopathiques par exemple. Enfin, il faut être capable de donner des exercices/conseils adaptés qui serviront à l’athlète tout au long de sa carrière. Il faut également savoir que le kinésithérapeute n’est pas que kinésithérapeute. Nous sommes également des infirmiers (soins des bobos), et des confidents, puisque nous sommes en tête à tête avec les athlètes pendant près de 20 minutes, ce qui leur offre la possibilité de se livrer à nous. Ce dernier aspect est primordial.

À quel moment interviens-tu dans la préparation d’un athlète ? (avant / pendant / après une saison ou compétition)

En tant que kinésithérapeute, je vais devoir intervenir sur plusieurs moments avec les athlètes. Dans un premier temps, je vais devoir intervenir avant la compétition, notamment dans un but de préparation (massages, ostéopathie, dry needling…), et de rééducation si jamais il y a la présence de blessure (T-CARE thérapy, réathlétisation, mobilisations). J’interviens également au cours de la compétition, en cas d’apparition de douleur liée à des contractures musculaires intenses par exemple, ou bien si jamais il y a suspicion d’atteinte plus sérieuse (entorse grave du coude, atteinte des ligaments croisés du genou, fracture osseuse d’un os de la main…). Je dois donc être capable de savoir si l’athlète doit continuer sa compétition, ou bien s’il est préférable qu’il stoppe, en accord avec le médecin bien évidemment. Il faut savoir que ce dernier n’est pas systématiquement présent lors de nos déplacements : je suis donc parfois seul à prendre cette décision. Enfin, je dois avoir un suivi régulier sur les athlètes, étant donné que je connais parfaitement leurs antécédents et leurs douleurs. La prévention des blessures est fondamentale dans mon activité.

As-tu une routine type que tu conseilles aux sportifs pour limiter les risques de blessure ?

En général, les athlètes possèdent leur propre routine de mobilité. Cependant, si jamais ils ont besoin de nouveaux exercices, je suis présent pour leur en donner, afin qu’ils ne tombent pas dans une routine trop « routinière ». Le but est de leur apporter des éléments nouveaux afin de varier cet aspect préventif, qui pourrait être placé de côté si le sportif s’ennuie à réaliser toujours la même chose.

Comment se passe la collaboration entre le staff médical, les coachs et toi sur le suivi d’un athlète ?

La richesse de mon métier se base sur l’échange. C’est tout à fait le cas avec le médecin, les coachs et bien sur l’athlète, qui est au centre de sa prise en charge. Une décision ne peut pas être prise de manière individuelle dans le haut niveau. Les entraineurs ont l’habitude de venir me voir pour me parler de certains inconforts que présentent l’athlète, ou bien de certaines postures qui pourraient être intéressantes à corriger. De même, j’informe systématiquement les coachs sur la douleur de leurs athlètes, l’évolution de cette dernière, les mouvements à éviter, etc. C’est dans ce cas de figure que la notion « d’équipe » prend tout son sens.

Est-ce qu’il t’arrive d’adapter tes méthodes en fonction de la personnalité ou du mental du sportif ?

Oui, complètement. Par exemple, certains sportifs n’aiment pas les aiguilles, je respecterai totalement leur choix en évitant la pratique du dry-needling. Si certains n’aiment pas les craquements, alors je sélectionne mes techniques ostéopathiques en fonction. Il faut savoir écouter son patient et l’accompagner dans ses traitements kinésithérapiques. Parfois, le massage ne s’avère pas être nécessaire. Mais sachant que ça leur procure un bien-être physique et/ou mental, dans ce cas je réaliserai le massage. Le kinésithérapeute doit être capable de s’adapter à chaque athlète qu’il reçoit, ce qui n’est pas chose facile !

 

Aurélien SIMON en soins à l’INSEP lors du stage Equipe de France en janvier 2025

 

Comment accompagne-t-on un athlète pendant une longue blessure ? En tant que kiné, tu es aussi en première ligne quand un athlète doute ou souffre. Comment fais tu pour maintenir une relation de confiance, même dans les moments difficiles ?

Lors de la survenue d’une blessure qui sera prise en charge sur du long terme, il faudra optimiser le suivi du sportif, notamment en rédigeant des rapports médicaux réguliers, et en transmettant les informations clés aux médecins et aux autres confrères kinésithérapeutes. Ainsi, le sportif aura une continuité dans son suivi, qui est indispensable à sa rééducation. Dans les moments difficiles, il faut s’adapter à l’état mental de l’athlète. Je m’efforce toujours de rassurer mes athlètes en leur donnant des détails anatomiques/physiologiques sur leurs blessures, le temps de cicatrisation, les gestes à faire et à ne pas faire. Plus l’athlète comprendra sa blessure, mieux il récupérera. Il faut être capable de trouver les bons mots, et le bon moment pour échanger.

As-tu en tête une rééducation particulièrement marquante ou une belle histoire de retour à la compétition que tu pourrais nous partager ?

Une belle anecdote reste la rééducation que j’ai pu effectuer avec un athlète qui présentait une douleur au genou, ce qui le bloquait dans ses performances. Suite aux différentes rééducations, aux exercices qu’il a réalisés en autonomie et à la confiance que mes confrères et moi-même avons pu lui redonner, ce dernier a pu revenir à la compétition avec des résultats très honorables. Je pense qu’il s’agit de la plus belle récompense pour un kinésithérapeute.

L’évolution des outils technologiques (imagerie, data, capteurs) a-t-elle modifié ta façon de travailler ?

Totalement. Avec Élisa GAULT, la data scientist, nous avons l’habitude de nous envoyer mutuellement des informations précises sur les différents athlètes. Ceci me permet de mieux comprendre leur état physique et mental (vis-à-vis de la fatigue, de la note donnée à l’intensité douloureuse, de la qualité du sommeil, etc.), et d’objectiver les bienfaits de ma rééducation, s’il y en a. L’analyse des vidéos permet également de bien comprendre la biomécanique de mon patient, et ainsi de comprendre sa posture, ses adaptations, ses douleurs.

Comment vois-tu évoluer le métier de kiné dans le sport de haut niveau dans les années à venir ?

Selon moi, les kinésithérapeutes seront toujours présents dans l’accompagnement de l’athlète. Ce qui pourrait évoluer serait la nature des prises en charge, avec la progression des outils qui est fulgurante. La science progresse, et les chercheurs nous permettent d’avoir de nouvelles données qui axent nos traitements en fonction de la plainte de la personne.

Quels conseils donnerais-tu à un jeune kiné qui souhaiterait travailler avec des sportifs professionnels ?

Travailler avec les sportifs de haut niveau demande certaines qualités. Tout d’abord, il faut être disponible, car les déplacements sont fréquents. Il faut également se former en permanence, puisque les données de la science évoluent quotidiennement. La capacité d’écoute et l’empathie sont également très importantes, elles font partie du traitement kinésithérapique. La capacité à travailler en équipe est un point clef dans mon métier, il faut donc impérativement que ce jeune kinésithérapeute possède cette caractéristique. À titre plus personnel, il faut que ce kinésithérapeute soit capable d’avoir une vie familiale équilibrée avec sa vie professionnelle. Le métier de kinésithérapeute du sport dans le haut niveau n’est pas toujours un long fleuve tranquille !

Et pour finir, une question un peu plus personnelle : quelle est ta plus grande fierté en tant que kiné auprès de la fédération ?

Ma plus grande fierté reste la confiance que les athlètes m’accordent. Il n’est pas facile de gagner la confiance d’un sportif de haut niveau qui connait parfaitement son corps. Le fait d’avoir des athlètes satisfaits de mes prestations restera pour moi la plus belle des récompenses. Et je profite de cet interview pour toutes et tous les remercier !

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