Commission Haltérophilie – Musculation – Santé et Handicap : Développement de la force musculaire et longévité (suite)

Analyse d’article par Claude GUERIN, médecin retraité, réanimateur, professeur émérite, ancien chef du service de réanimation médicale à l’hôpital de la Croix Rousse à Lyon, et également licencié du Vertuose Club Lyon.
Muscle function in elite master weightlifters
Stephen J. Pearson, Archie Young, Andrea Macaluso, Giuseppe Devito, Myra A. Nimmo,
Matthew Cobbold, And Stephen D. R. Harridge
Med. Sci. Sports Exerc., Vol. 34, No. 7, pp. 1199–1206, 2002.
Pourquoi avoir choisi cet article ?
L’athlète master entrainé compétitif (notamment haltérophile) semble être un modèle d’étude pertinent pour approfondir non seulement les effets de l’âge sur la fonction neuromusculaire, cardiorespiratoire et d’autres aspects de la physiologie humaine, mais aussi les effets néfastes de la sédentarité et les effets bénéfiques de l’entrainement notamment en résistance. L’article de Pearson et collaborateurs en illustre un aspect tout à fait pertinent pour l’haltérophilie.
Pourquoi cette étude ?
La baisse de la puissance maximale avec l’âge est bien documentée et a des implications dans la vie quotidienne (perte d’autonomie, risque de chutes). L’haltérophilie, sport de puissance (= force x vitesse), devrait permettre de s’opposer à cette perte de puissance liée à l’âge. Les auteurs ont émis l’hypothèse que des haltérophiles masters (à partir de 35 ans) ont une perte de puissance avec l’âge inférieure à celle de sujets entrainés.
Qu’a comporté cette étude ?
Les auteurs ont mis au point une étude très originale. A l’occasion des championnats du monde masters d’haltérophilie de 1999 à Glasgow, ils ont installé à proximité de la salle d’échauffement un laboratoire d’exploration de la fonction musculaire avec des appareils validés. Sans entrer dans le détail, ils ont demandé aux sujets de réaliser une extension maximale du genou contre une résistance (3 essais pour 6 résistances différentes, en gardant la valeur maximale). Ils ont mesuré la force réalisée et le temps mis pour atteindre cette force maximale. Puis, cheville du sujet attachée, ils ont mesuré sur la même cuisse un effort isométrique en extension et en flexion.
Ont été enrôlés 54 haltérophiles masters masculins ayant donné leur accord de participation : 10 âgés de 40 à 49 ans, 11 de 50 à 59 ans, 16 de 60 à 69 ans, 13 de 70 à 79 ans et 4 de 80 à 89 ans. Leurs résultats ont été comparés à ceux obtenus chez 54 sujets masculins en bonne santé non entrainés avec la même répartition selon l’âge soumis au même protocole.
Quels sont les résultats ?
Plusieurs résultats importants se dégagent de cette étude.
1. Comme attendu les haltérophiles masters entrainés compétiteurs développent une puissance musculaire du quadriceps nettement plus importante que des sujets non entrainés du même âge, et ce quelle que soit la catégorie d’âge (Figure 1).
2. Comme attendu également les haltérophiles masters soulèvent progressivement des charges moins lourdes en arraché et en épaulé jeté avec l’âge : à 70 ans ils soulèvent 62% moins que les plus jeunes.
3. Contrairement à leur hypothèse, la vitesse de décroissance avec l’âge de la force et de la puissance est la même chez les haltérophiles et chez les sujets sains non entrainés, la puissance diminuant deux fois plus vite que la force.
Commentaires
- C’est une très belle étude, originale dans sa mise en place.
- Elle est limitée par le fait que les haltérophiles étudiés sont masculins ; les résultats seraient-ils différents chez des femmes ? En outre il s’agit d’une étude transversale, les sujets des différents groupes d’âge ne sont pas les mêmes personnes. Les résultats seraient-ils différents si une même personne était suivie au cours du temps ?
- Un haltérophile master de 70 ans a une puissance du quadriceps équivalente à celle d’un sujet non entrainé de 50 ans. Ce résultat spectaculaire schématisé sur la figure 2 est peut-être mal connu au sein du milieu sportif et à fortiori du grand public.
Conclusions
La pratique de l’haltérophilie chez des masters compétiteurs génère un gain de 20 ans d’âge par rapport à des sujets non entrainés en bonne santé sur la force musculaire et la physiologie humaine qui en découle.