Commission Haltérophilie – Musculation – Santé et Handicap : Développement de la force musculaire et longévité

Résumé d’article par Claude GUERIN, médecin retraité, réanimateur, professeur émérite et ancien chef du service de réanimation médicale à l’hôpital de la Croix Rousse à Lyon. Licencié du Vertuose Club Lyon.
Heavy resistance training at retirement age induces 4-year lasting beneficial effects in muscle strength: a long-term follow-up of an RCT. Mads Bloch-Ibenfeldt, Anne Theil Gates, Karoline Karlog, Naiara Demnitz, Michael Kjaer, Carl-Johan Boraxbekk
BMJ Open Sport & Exercise Medicine 2024;10:e001899. doi:10.1136/bmjsem-2024-001899
Pourquoi avoir choisi cette étude ?
La commission dirigée par Daniel CASSIAU couvre le champ du sport/santé/handicap. Elle ne vise donc pas l’élite de la discipline mais s’adresse en partie à des sujets « âgés » et/ou non ou peu entrainés et/ou porteurs de comorbidités. L’étude sélectionnée s’inscrit dans ce contexte.
Pourquoi cette étude ?
Les auteurs ont évalué l’effet d’un entrainement en résistance de différentes intensités sur le gain de force musculaire à moyen terme (4 ans) chez des sujets âgés.
Qu’a comporté cette étude ?
Participants. L’étude a été conduite au Danemark chez 451 sujets (39% d’hommes), âge moyen 66,4±2.5 ans, indice de masse corporelle 25,8±4 Kg/m2, autonomes et vivant à domicile. Les sujets n’étaient pas inclus s’ils présentés l’une ou l’autre de ces conditions : incapacité à réaliser plus d’une heure d’exercice très fatigant 1 fois par semaine ou des exercices de force plusieurs fois par semaine, comorbidité médicale sévère (cancer, diabète non contrôlé, maladie cardiaque ou pulmonaire), problème neuromusculaire gênant l’entrainement, utilisation de corticoïdes, d’androgènes ou d’anti-androgènes.
Interventions. Les 451 patients sont répartis en 3 groupes par tirage au sort. Groupe HRT, 149 sujets, entrainement en résistance avec des charges lourdes, groupe MIT, 154 sujets, entrainement en résistance avec des charges modérées, groupe C, 148 sujets, groupe de contrôle.
Dans le groupe HRT, les exercices (presse horizontale, presse thoracique, extensions genoux, rowing, leg-curl, flexion cheville, abduction hanches, core (crunches et lombaires)) sont réalisés dans des salles commerciales, sur des machines Technogym, coachés, à raison de 3 séances par semaine de 3 séries de 6–12 répétitions à 70%–85% du 1 RM prédit par le tableau de Brzycki.
Dans le groupe MIT les exercices (squats, push-ups, extension genoux assis, rowing assis, abduction et extension de hanches debout, élévation talons, core (crunches et lombaires)) sont réalisés 3 fois par semaine (1 fois à l’hôpital et 2 fois à domicile) à raison de 3 séries de 10-18 répétitions à 50-60% de 1 RM avec des bandes élastiques au poids du corps.
Les participants du groupe C continuent leur activité physique habituelle.
Dans les groupes HRT et MIT les exercices sont réalisés pendant 1 an.
Mesures. Force isométrique maximale d’extension de la jambe, masse maigre de la jambe, force de la poigne, taille du muscle vaste latéral de la cuisse en IRM. Les mesures sont réalisées avant le début de l’étude (Baseline) et 4 ans plus tard (soit 3 ans après la fin).
Quels sont les résultats ?
82 sujets sont sortis prématurément de l’étude pour manque de motivation ou maladie. Les 369 restants se répartissent en 128 HRT, 126 MIT, et 115 C.
La force isométrique maximale d’extension de la jambe à 4 ans reste stable dans le groupe HRT, diminue de façon non significative statistiquement dans le groupe HIT et statistiquement significative dans le groupe C (Figure).
La force de poigne diminue entre baseline et 4 ans plus tard sans différence entre les trois groupes. La masse musculaire et la surface du muscle vaste latéral ne changent pas au cours du temps dans aucun groupe.
Commentaires
- Il s’agit d’une étude impressionnante d’une part par le nombre important de sujets inclus et d’autre part par le fait qu’ils sont étudiés de façon précise et répétée au cours du temps. Il s’agit d’une étude longitudinale où chaque patient est son propre témoin au cours du temps.
- Le gain de force est observé sans gain de masse musculaire suggérant une adaptation neuromusculaire. Bien sûr il y a un gain maximal de force pendant l’année de réalisation des exercices puis la force diminue. Mais le fait est que par rapport au baseline, la force est mieux préservée dans le groupe entrainé avec des charges lourdes qu’avec des charges légères et même réduite dans le groupe qui ne s’entraine pas de façon spécifique.
- Ces résultats sont importants sur le plan individuel, la force musculaire étant un facteur prédictif de mortalité (nous y reviendrons dans une prochaine analyse d’articles).
Avec la préservation de la force au bout des 4 ans : les sujets ainsi âgés en moyenne de 70 ans ont gagné 4 ans d’âge ; le développement de la force musculaire est bénéfique pour la longévité.
- Le taux d’adhésion à l’étude est resté élevé, de l’ordre de 82%, au cours de l’étude ce qui veut dire que chez les sujets sélectionnés cette stratégie est faisable.
- L’étude a des limites :
- 1-les sujets inclus sont âgés mais en bonne forme si on considère les critères de non-inclusion : on ne peut donc pas généraliser ces résultats à l’ensemble des sujets âgés ;
- 2-l’activité physique n’a pas été contrôlée pendant les 3 ans qui se sont écoulés entre la fin de l’entrainement et l’évaluation à 4 ans ;
- 3-Il s’agit d’une analyse intermédiaire et partielle de cette étude : un suivi à 7 ans est prévu avec de nombreuses autres mesures (le protocole complet est détaillé dans CS Ericksen .et al. BMJ Open dx.doi.org/10.1136/ bmjopen-2016-012951). Lorsque l’étude complète sera réalisée une vision plus globale sur la santé de ce protocole sera disponible.
Conclusions
Un entrainement pendant 1 an en résistance à forte intensité chez des sujets âgés en bonne forme préserve la force de contraction isométrique du quadriceps pendant 4 ans.
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