Depuis 2012, ce club francilien, situé dans un quartier populaire du Val-de-Marne (94), s'évertue à promouvoir un vaste plan de féminisation et d'inclusion par le sport afin de favoriser la pratique sportive féminine, le décloisonnement et l'autonomisation des filles et des femmes. Rencontre avec Irfaan Burahee, directeur administratif de l'US Créteil HMF.
De nombreuses actions de développement ont été mises en place ces dernières années au sein de l’US Créteil HMF (notamment votre implication dans la féminisation du sport et la sensibilisation à la nutrition…) : pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Quelles actions concrètes ont été mises en place ? Quelles en sont les conséquences ? les répercutions ressenties au sein du club ?
L’US Créteil Haltérophilie-Musculation-Fitness a été fondée en association en 1989, essentiellement vouée à la pratique haltérophile compétitive. C’est en 2012 que la nouvelle direction fraichement élue élabore un vaste plan de féminisation et d’inclusion par le sport afin de favoriser la pratique sportive féminine, le décloisonnement et l’autonomisation des ados filles et des femmes.
Se localisant dans un quartier populaire de la ville - le club était essentiellement fréquenté par des jeunes hommes du quartier - nous avons souhaité mixer ce public afin de répondre à une demande des féminines qui allaient plutôt pratiquer dans d’autres structures ou se privaient de sport pour des raisons financières. Nous avons ainsi mis en place des projets sportifs féminins qui ont servi de passerelles sportives. Des activités telles que la zumba ou du fitness pour féminines ont été mises en place. Tout l’enjeu a été de permettre aux féminines d’investir le plateau musculation à partir d’activités sportives ludiques. A présent la majorité de nos féminines pratique également la musculation ou l’haltérophilie en plus du fitness.
Le programme Silhouette halter’, conceptualisé par la FFHM, a permis dans ce contexte une initiation des féminines à la musculation et un suivi personnalisé des pratiquantes.
Les adhérentes du projet fitness féminin accompagnées de leur coach Iliéna et Alban
Actuellement, il y a deux projets voués à la pratique des féminines qui ont pour enjeu la lutte contre la sédentarité.
• Le premier projet est un concept novateur mis en place pour les filles et jeunes ados qui s’intitule Zum’Bolly Fitness, une nouvelle approche des sports de la forme pour un nouveau public. Des enfants de 8 à 14 ans pratiquent cette activité ludique combinant zumba, step, LIA sur des rythmes Bollywood. Nos jeunes adhérentes font ainsi leur premiers pas dans le monde du fitness et font de la musculation ou de l’haltérophilie lors de journées de découvertes.
• Le deuxième projet voué aux féminines s’intitule Aimer bouger, savoir manger et vise à transmettre à notre public féminin des bases pour lutter efficacement et quotidiennement contre la sédentarité. Concrètement, nos actions consistent en des Small trainings groups, des ateliers nutritions (comprenant des sorties au supermarché pour apprendre à lire les étiquettes nutritionnelles et choisir de bons produits par exemple), des ateliers cuisines (pour apprendre à cuisiner de manière plus saine), des sorties pédagogiques et des séminaires diététiques. Ce projet novateur connaît un grand succès car il s’agit ici d’un programme sport-santé qui permet aux adhérentes d’améliorer leur hygiène de vie via la musculation et la nutrition.
De l'importance des subventions...
L’ensemble de ces projets est fortement subventionné par le CNDS, la Fondation de France, le Haut-commissariat à l’égalité des territoires, l’Union sportive de Créteil et la mairie de Créteil. En effet, nos cotisations très basses (en moyenne 140 euros la saison sportive) ne nous permettent pas d’agir en autofinancement. Notre stratégie de développement repose donc sur la recherche de subventions parallèlement à la mise en place de projets originaux.
Ces actions ont permis une forte hausse de notre effectif d’adhérentes. Puisque, comptant moins d’une dizaine de féminines au club au début des années 2010, elles sont actuellement 75 (âgées de 8 à 65 ans) sur environ 210 adhérent(e)s au total.
Plusieurs de ces féminines sont impliquées dans la vie du club. Actuellement, sur les neuf membres que compte notre direction, quatre sont des femmes, dont notre présidente Linda Bouifrou. Autant dire que cette quasi parité dans un sport qui a longtemps été marqué par l’influence masculine nous rend très fiers !
Vous êtes labellisé club FFHM santé – musculation – bien-être ; qu’est-ce cela vous apporte ?
Le label est venu concrétiser notre savoir-faire en matière de lutte contre la sédentarité et notre engagement en faveur du sport-santé. D’ailleurs, l’année de l’obtention de ce label (2017), l’Union sportive de Créteil avait distingué notre directeur administratif meilleur cadre technique sportif de la ville. C’est donc un gage de reconnaissance de notre expérience acquis au fil des années. Ce label nous a permis de sceller plus facilement des partenariats avec les écoles et les hôpitaux dans des projets sport-santé par le biais de la pratique de la musculation et du fitness. Il nous a également permis d’intégrer plus facilement le réseau « La santé par le sport » et, étant certifié Prescri’Forme, nous permet de rentrer dans le dispositif « sport sur ordonnance ».
La FFHM a mis en place, depuis cette année, les défis Muscu Challenge. Vous êtes premier au classement des clubs, loin devant Caen Calvados HM et La Vaillante Haltéro Saint-Quentin… Comment expliquez-vous l’engouement de votre club pour ces défis ?
Les défis du Muscu Challenge sont très suivis par nos adhérent(e)s tout comme la participation de notre club au championnat régional de musculation depuis trois ans. En effet, nos dirigeants ont mis en place il y a quelques années, un projet pluriannuel permettant la démocratisation de la musculation chez les ados et les jeunes hommes adultes du quartier. Ce projet, subventionné par le CNDS depuis plusieurs années, s’intitule « forme et force pour tous en ZUS ». Via ce travail, notre éducateur sportif Alban Flacher, a pu mettre en place une dynamique sportive attrayante auprès de nos adhérents qui voient en ces défis Muscu Challenges une manière de se dépasser et d’être le meilleur de la salle sur une ou plusieurs épreuves.
La plupart de nos jeunes sont à la recherche de reconnaissance, mais trop timides pour la compétition… Ces défis sont donc pour eux une occasion de montrer ce qu’ils ont dans le ventre et de se confronter à leurs amis du club. Cela crée une émulation et chacun essaie de faire de son mieux dans une ambiance très bon enfant, gage de fair-play.
Nous avons encouragé un maximum de personnes de tout âge et de toutes conditions physiques à relever ces défis. Certains visaient la performance, d’autres voulaient simplement représenter le club et apporter leur contribution pour marquer des points. Ces Muscu Challenges ont ainsi permis de fédérer nos adhérent(e)s autour d’une ambition commune : celles de terminer premier à l’échelle de la France. Il s’agit ainsi d’impliquer chacun de nos adhérents dans l’évolution des compétitions proposées par la FFHM.
Exposition "Forgé par la fonte. Être de chair"
Quels sont vos projets pour la saison à venir ? Et quels peuvent être vos freins ?
Nous avons récemment signé deux conventions de partenariat. L’une avec l’Ecole de la deuxième chance (E2C) et l’autre avec le Centre hospitalier intercommunal de Créteil (CHIC). Notre partenariat avec l’E2C consiste à favoriser le bien-être des étudiants via la pratique de la musculation et ainsi faciliter leur intégration professionnelle par le dépassement de soi lié à l’activité physique. Nous y animons également des cours de santé et d’alimentation à raison de neuf heures par semaine.
Journée européenne de l'obésité
Avec le CHIC, nous intervenons à raison de deux heures par semaines chez des patientes atteintes de cancer. L’enjeu est de redonner confiance et assurance à ces femmes et de leur permettre de retrouver une autonomie par la pratique du fitness et de la musculation en Small training groupe là aussi. Un projet spécifique à la pratique de la musculation douce au sein des établissements hospitaliers a été mis en place ; il s’intitule P.A.S.S.E (Parcours d’Accompagnement par le Sport pour la Santé et l’Emancipation) et nous espérons avoir d’autres partenariats avec les hôpitaux.
A la rentrée prochaine nous interviendrons au lycée Saint-Exupéry de Créteil dont la direction a mis en place une filière des métiers du sport. Nous y serons chargés (avec d’autres intervenants) de la formation des étudiants aux métiers du sport et leur donnerons l’occasion de faire un premier stage en salle de musculation/haltérophilie.
Parallèlement à ces projets, sur la saison prochaine nous nous chargerons de la préparation physique de l’US Créteil Futsal et de l’US Créteil badminton. Actuellement, nos éducateurs sont chargés d’inciter les féminines du club à la pratique de l’haltérophilie dans le but de monter une équipe de compétitrices. Nous espérons que ce projet pourra se concrétiser dans un futur proche. Les féminines du club voulant se lancer en haltérophilie peuvent compter sur le soutien de notre récente championne de France Master V1, Peggy Lunion.
Nous avons également depuis plusieurs années, le projet d’une fermeture plus tardive en semaine afin d’accueillir nos adhérent(e)s sur des créneaux horaires plus larges et ainsi pouvoir dégorger la salle les jours d’affluence et apporter de meilleures conditions d’entrainements aux haltérophiles compétiteurs notamment.
Ce projet avait été accueilli favorablement par l’ancien ministre des Sports Patrick Kanner que nous avions rencontré il y a deux ans, mais se confronte sur le terrain à la diminution du budget alloué aux services publics municipaux qui a pour corollaire le non remplacement des gardiens de gymnase partis en retraite. A l’échelle de la ville, la diminution du nombre de gardiens de gymnase impacte donc directement sur notre projet et dans le futur sera certainement problématique au développement des associations sportives.
Nos freins sont également nos ressources humaines limitées. Nous avons de plus en plus de projets et d’actions sur le terrain. Or la fin des emplois aidés type CUI-CAE et la diminution des subventions du CNDS ne vont pas dans un sens favorable pour les associations sportives. C’est pourquoi nous devons toujours innover et trouver des financeurs publics ou privés pour permettre la préservation de nos ressources humaines en place et la réalisation des projets.
Le secteur privé marchand représenté par les salles de musculation dit Low Cost constitue aussi un frein à la hausse du nombre de nos adhérent(e)s. Ils sont presque dix clubs privés dans notre zone à se partager ce qui aurait pu être de potentiels adhérents pour nous. Au fur et à mesure des années, nous avons finalement appris à conjuguer avec cette concurrence et à mettre en place des prestations et des services qu’ils ne peuvent proposer. Nous avons donc développé, parallèlement à nos activités traditionnelles (musculation et haltérophilie), une offre complémentaire visant avant tout le sport-santé et la lutte contre la sédentarité avec un haut niveau d’encadrement.
Combien avez-vous d’animateurs ? Coach ? Educateurs ?
La force de notre club sportif est justement constituée par nos ressources humaines. Pour ce qui est de l’haltérophilie, nous avons un préparateur physique reconnu en France qui est Didier Rontard. Il y a également cinq adhérents disposant du brevet fédéral d’initiateur en haltérophilie qui permettent un bon encadrement des pratiquants.
Pour ce qui est de la musculation, nous avons un éducateur sportif (Alban Flacher) employé à plein temps sur les projets voués aux jeunes et aux femmes. Pour le fitness, nous employons une professeure de Zumba (Iliéna Scavone). Nous avons également un directeur administratif (Irfaan Burahee) employé à plein temps qui s’occupe de la mise en place de projets, de la recherche de partenaires et de subventions. Il intervient également au club en tant que médiateur socio-sportif. Cette année nous avons intégré à notre équipe une service civique (Amel Heng) qui a été d’une aide importante sur les projets voués aux féminines. Par ailleurs, tout au long de l’année nous accueillons plusieurs stagiaires, le plus souvent issus de la filière STAPS. Enfin, n’oublions pas les neufs membres de notre direction qui interviennent bénévolement sur l’ensemble de nos activités en soutien à notre effectif de salariés.
L’ensemble de ces acteurs impliqué dans notre association permet de réaliser sur le terrain, nos différents projets. Ce sont à la fois des personnes passionnées, engagées et des experts venant d’horizons divers et avec une ouverture d’esprit permettant une constante évolution de nos activités en phase avec les mutations sociales et sportives. Elles œuvrent pour faire de la musculation et de l’haltérophilie des outils visant au développement personnel et au bien-être de chacun.
Nous tenons ici à remercier tous nos partenaires qui nous ont fait confiance ainsi que Philippe Geiss et Samson N’Dicka de la FFHM qui ont été de précieux conseils dans notre développement. Pour finir, nous invitons tous les lecteurs à venir échanger avec nous afin de soutenir le développement de la musculation et de l’haltérophilie en France.
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